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Jean-Jacques Audubon, les oiseaux d'Amérique


J-J Audubon

Audubon : le grand Héron bleu

Grand héron bleu / Great blue heron

Audubon : Le dindon sauvage (wild turkey)

Dindon sauvage / Wild Turkey

Les oiseaux d'Amérique : p.1   >  p.2   >  p.3

Les Oiseaux d'Amérique : histoire d'une œuvre

« Audubon a commencé son repérage et ses premiers travaux de représentation ornithologique au moment de son installation dans l'Ouest, en 1808. Le projet de représenter tous les oiseaux d'Amérique date de sa rencontre avec Alexandre Wilson, le premier ornithologue américain professionnel, en 1810. Il s'y attèle sérieusement à partir de 1820. La première publication est l'œuvre des ateliers Havell, de Londres, sous le contrôle de l'auteur. Audubon s'occupait lui-même de la diffusion de son œuvre et a suivi personnellement les travaux de gravure (suivant le procédé de l'aquatinte) et de coloriage des 87.000 planches (435 planches en 200 exemplaires chacune).

A la mort d'Audubon en 1851, les Oiseaux d'Amérique sont d'abord tombés dans l'oubli, comme et avec leur auteur. Ne pouvant maintenir sa réputation au niveau où le grand disparu l'avait portée, sa veuve assiste impuissante au déclin de ses affaires et en vient à vendre, par petits lots, les dessins et les carnets de son époux. En 1863, elle cède les aquarelles riginales à la New York Historical Society, qui les possède toujours. La cession comporte une clause : les Oiseaux, suivant le vœu de leur auteur, seront laissés à la libre disposition du public. Or Maria-Rebecca, petite-fille de Jean-Jacques, dépêchée sur les lieux deux ans plus tard, constate que seules trente cinq des quatre cent trente-cinq planches sont exposées, dans des encadrements de fortune et dans une petite salle à peine éclairée. Le déménagement de la Société Historique dans ses nouveaux quartiers n'améliore pas la situation, en dépit des promesses, et en 1917 un journaliste du New York Tribune, parti à la chasse au trésor, ne déniche de nouveau qu'une trentaine de planches « accrochées aux murs sales d'une cave [...] à côté de la réserve de charbon et de la salle des chaudières ». Il faut attendre 1946 pour que la Société organise une exposition de l'œuvre d'Audubon et lui consacre une salle permanente. Enfin, en 1970, les 433 originaux rescapés sont tirés de leurs caisses et exposés dans leur ensemble. Ils seront entièrement restaurés et expertisés de 1990 à 1993.
Les plaques de cuivre gravées par Havell sont d'abord stockées dans un hangar new-yorkais, puis envoyées à la fonte. Elles ne devront leur salut (partiel) qu'à la chance : un passant, intrigué par ces grands panneaux métalliques que le ferrailleur entassait déjà sur sa carriole, les sauva in extremis.

La renommée d'Audubon et la reconnaissance de son œuvre sur les plans historique, artistique, scientifique ont poussé régulièrement vers le haut la valeur marchande des Oiseaux d'Amérique : 1,54 million de dollars chez Sotheby's en janvier 1954, 4,92 millions de dollars chez Christie's en avril 1992, 8.8 millions de dollars chez Christie's encore en mars 2000, record absolu dans l'histoire de la bibliophilie.

WH Fries, collectionneur américain, a reconstitué en 1974, au prix de recherches opiniâtres, le destin de la plupart des deux cents copies « originales » (il s'agit en réalité des deux cents exemplaires de la première publication, réalisées à partir des aquarelles d'Audubon) produites par Havell et distribuées aux souscripteurs entre 1828 et 1838. William Fries et son épouse ont examiné personnellement 128 séries complètes et en ont localisé 134 : 94 aux Etats Unis, 17 en Angleterre, 23 dans douze autres pays. En France, l'Institut de France, la Bibliothèque nationale et le Muséum national d'Histoire naturelle possèdent chacun une série complète. Celle du Museum est magnifiquement reliée en quatre grands albums de plus de trente kilos, conservés précieusement dans une commode d'acajou construite à cet effet et enfermés sous alarme permanente dans une salle climatisée dont ils ne sortent qu'en de rares occasions. Sur les 67 autres séries de l'édition originale, 14 sont repérées mais incomplètes, 28 ont été dispersées, 11 détruites par le feu, 14 ont disparu sans laisser de traces.

WH Fries s'est penché également sur la cotation des planches double-éléphant-folio. Le prix de vente est remonté vers 1900 aux mille dollars de la souscription initiale, pour s'envoler ensuite avec des cotations à 2.500 dollars en 1920, 14.000 dollars vers 1940, 18.000 dollars en 1945, 36.400 dollars en 1959, 216.600 dollars en 1969, 400.000 dollars en 1977. Les prix des planches isolées varient suivant le sujet : une planche originale du dindon, vendue 200 dollars à Boston en 1905 a été adjugée 8.500 dollars chez Sothesby's en 1980 et 20.000 dollars ailleurs la même année. Le record, certainement provisoire, est détenu par un Grand Héron Bleu : 30.000 dollars.

L'American Heritage Publishing Company a proposé en 1966 une reproduction en deux volumes des aquarelles originales (The riginal Watercolor Paintings by John James Audubon for the Birds of America) et la New York Historical Society a édité en 1993 une nouvelle présentation intégrant les résultats de ses travaux d'analyse et de restauration. Les aquarelles sont à la fois plus belles et plus riches d'enseignement que les planches gravées. On y décèle tout le travail de composition, de reprise, de recherche de l'auteur ; on voit les traits au pastel, à l'aquarelle, au fusain, à l'huile, à la plume et les notes de l'artiste aux graveurs et aux coloristes : "Un peu plus graveleux, ce sol", "Que diriez-vous d'inverser cette figure ?" , "Faites voir les pattes autant que possible dans la transparence de l'eau", "Mr Havell, inscrivez je vous prie, le nom de Lucy et non le mien sur cette planche". »

(Article de Henri Gourdin)